Aller au contenu. | Aller à la navigation

Navigation
Vous êtes ici : Accueil / Le jardin médiéval (littérature et société) / La symbolique des fleurs dans la représentation du jardin au Moyen-Age

La symbolique des fleurs dans la représentation du jardin au Moyen-Age

http://www.panoramadelart.com/sites/default/files/styles/moyen/public/dame-a-la-licorne-d.jpg?itok=IiKesRDxLa symbolique des fleurs dans la représentation du jardin au Moyen-Age

 

Le Moyen-Age s'étend sur une période d'à peu près mille ans : cette longue période a donc développé différents points de vue sur le rapport entre art et nature. Ces points de vue résultent d'une part du conflit entre le début de la christianisation et un monde dans lequel le paganisme est bien installé et d'autre part de la pacification d'un espace territorial (des grandes invasions à la première Renaissance carolingienne).

 

I/ Un rapport conflictuel à la représentation réaliste de la nature.

La période du Haut Moyen-Age a été marquée par les invasions barbares et l'expansion islamique. Les préoccupations matérielles ont sans doute prévalu sur des considérations esthétiques : le jardin et les cultures nourricières ne laissaient que peu de place à la construction d'un jardin de plaisance, d'un locus amoenus.

Illustration 1: hortus conclusus

Dans le monde clos des abbayes vont se développer par ailleurs des considérations hautement symboliques : le monde doit se lire et se comprendre à travers la révélation christique ; par exemple le vent représentait l'esprit saint, le saphir la contemplation divine.

Selon Michel Baridon, «L'étude comptait moins que son utilisation à des fins symboliques et hagiographiques[...] Les fleurs existaient et on en cultivait dans certaines abbayes […] mais c'est surtout la rose, le lys ou l'iris qui avaient la faveur des jardiniers pour leur parfum, leur beauté, et pour les associations qu'elles faisaient naître.» ( in Les Jardins, Robert Laffont, Paris 1998).

De plus, l’Église condamne les plantations d'agrément et tolère la fabrication de parfums pour la liturgie ; de même l'atria (jardin dit «paradis») est planté de roses pour permettre d'orner l'autel.

Par ailleurs, la tulipe,l’œillet et la pivoine entre autres n'étaient pas encore acclimatées en Europe mais certaines fleurs de l'imaginaire oriental sont présentes dans l'iconograhie.

La représentation des fleurs se fera ensuite par le biais des vitraux .

On les représente pour leurs symboles. Chaque chrétien se doit de connaître la symbolique et les images.

Illustration 2: Office de tourisme de Chartres. rosace http://www.chartres-tourisme.com/sites/default/files/IMG_2423_0.jpg


 

L'architecture se veut une illustration de la liturgie de la lumière : la lumière de la pensée divine doit descendre sur la foule des croyants réunis dans les lieux de culte. La rosace fait alors figure de double instrument : elle allie la symbolique de la rose à celle de la lumière.Telle est la signification des rosaces des cathédrales gothiques ; l'architecture de ces cathédrales allie métaphores végétales, comme les nervures des voûtes, et métaphore de la lumière, grâce à leur élévation.

 

 

Illustration 3: rosace de la cathédrale de chartres. Wikimedia. https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/37/Chartres_cathedral_(West_fa%C3%A7ade).jpg/280px-Chartres_cathedral_(West_fa%C3%A7ade).jpg

Illustration 4: Voûte quadripartite (formant quatre voûtains reposant sur quatre piliers)de la cathédrale de Chartres. Le Moyen-âge et l'Histoire médiévale par Fabrice Mrugala ​. http://medieval.mrugala.net/Architecture/France,_Eure-et-Loir,_Chartres,_Cathedrale_Notre-Dame/Chartres,%20Cathedrale,%20Collateral,%20Voute%20(1).jpg

Les sculptures des églises romanes, quant à elles, sont souvent accompagnées de feuilles d'acanthe. Celles-ci illustrent la victoire et le terme des épreuves terrestres. Elles sont considérées comme un symbole de gloire pour ceux qui ont triomphé des obstacles qui jalonnaient leur route.

Illustration 5: Feuilles d'acanthe figurant sur le chapiteau de la cathédrale de Chartres, à la fois église gothique et romane.

​Wikimedia. https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/4e/Cath%C3%A9drale_de_Chartres_210209_06.jpg/800px-Cath%C3%A9drale_de_Chartres_210209_06.jpg


Illustration 6: Dessin d'une feuille d'acanthe : http://4.bp.blogspot.com/-tbCc7UEUTB8/UJgKzZwq44I/AAAAAAAAAso/knLGEsfU1lU/s1600/Acanthusblad+d%2527acanthe.jpg


 

Ainsi, tandis que les premiers traités illustrés de botanique déconcertent par le peu de ressemblance entre la plante et son dessin, les rendant toutes très peu différentes les unes des autres, des représentations plus tardives étonnent par leur réalisme pictural. On va passer d'un système fondé sur un discours sur la plante à un système qui valorisera la plante en elle-même. On se dirige alors vers un art figuratif plus ou moins réaliste mais où la symbolique continuera de s'affirmer en priorité.

II. La réconciliation avec une forme de «réalisme» :

C'est vers la fin du xv ème siècle que les tapisseries dites «mille fleurs» se développent. Parmi les plus célèbres, la tapisserie de La Dame à la Licorne, exposée au musée national du Moyen-Age de Cluny à Paris.

Il s'agit d'un ensemble de cinq tapisseries représentant les cinq sens, plus une sixième intitulée de façon assez énigmatique A mon seul Désir. Elles proposent toutes un parterre fleuri, où chaque fleur se voit choisie pour sa valeur symbolique.

La flore de chacune de ces tapisseries est très variée ; on y observe un fond de «mille fleurs» sur lequel évoluent des animaux familiers, créant un univers poétique. Cette diversité renvoie à la conception de l'hortus deliciarum : cette tapisserie à thème littéraire représente l'amour courtois.

Chaque tapisserie représente des fleurs qui font partie de la culture d'agrément. La plupart des fleurs représentent la Vierge Marie. On a donc aussi une représentation d'un hortus conclusus.

Nous allons nous attacher à dégager la signification des plantes et des fleurs représentées ; celles-ci intègrent en outre une symbolique plus ancienne héritée de l'Antiquité gréco-latine.

On observe parmi les arbres :

- un chêne : symbole de fermeté, de fidélité et de bonheur.

- un houx : signe du Christ qui symbolise la nativité et a pour rôle de protéger la maison.

- un pin : symbole de la permanence dans un univers méditerranéen. Sa symbolique est reprise au nord de la Loire et il se voit souvent représenté alors même qu'il est peu fréquent sous ces latitudes.

- un oranger : lui aussi héritier de l'univers méditerranéen, comme le pin, il acclimate en priorité sa symbolique et se trouve représenté dans des ouvrages produits au nord de la Loire, latitudes où l'arbre ne poussait pas ; il représente l'arbre de la connaissance du Paradis ou bien, dans la littérature profane, la fécondité (fruit) ; sa fleur symbolise la jeune fille.

On trouve parmi les fleurs:

- des violettes, fleurs parfumées du désir et du Paradis dans la poésie amoureuse. La violette  peut aussi symboliser dans d'autres représentations la modestie et l'humilité. Elle est aussi le symbole de la Vierge Marie. Elle est largement représentée dans les tapisseries mille fleurs. .

- des pâquerettes, fleurs de Pâques ou bien dans la poésie amoureuse, fleur de Vénus.

- des œillets, figurant sur les couronnes des fiançailles. OEillet, en latin daianthus, d'origine grecque, signifie «fleur de Dieu» : c'est pourquoi cette fleur peut évoquer Jésus-Christ et plus précisément sa Passion. Selon une légende médiévale, les larmes de la Vierge Marie à la vue de son fils en croix, tombées à terre, se transforment en œillets. Ils attirent par leur senteur poivrée.

- des roses, symboles de l'amour terrestre lié à Vénus et à la Vierge. Un récit mythologique rapporte que dans l'écume de la mer, dont naît la déesse grecque, pousse un buisson épineux, qui, arrosé par le nectar des dieux, se couvre de roses blanches.

Dans l'Antiquité, la rose a aussi une connotation funèbre, au point que, dans l'ancienne Rome, la fête des roses, les Rosalies, fait partie des cérémonies liées au culte des morts.

- des jacinthes : symbole de la vertu et de l'endurance selon Ovide, la jacinthe serait née du sang d'Ajax fils de Télamon, qui se tue par dépit car il n'a pas obtenu les armes très convoitées d'Achille qui reviendront à Ulysse.

- des pensées : on leur attribue souvent le symbole de la tendre pensée envers un proche. Elles sont aussi le symbole de l'humilité.

- des lys:symbole de la pureté et de la chasteté, le lys est souvent lié à L'Annonciation et à l'Immaculée Conception du Christ. Il est le symbole de la Vierge Marie et de l'archange Gabriel. Dans la Rome Antique il est appelé « Rose de Junon» car il symbolise le lait que Junon aurait donné à Hercule. Au Moyen-Age, il est associé au Christ et aux rois (sur les bannières).

Ces plantes et ces fleurs se retrouvent donc dans les six tapisseries, avec des fréquences qui varient selon le sens de chacune.

Dans cet ensemble de tapisseries non seulement les fleurs sont symboliques mais elles permettent aussi à celui qui les regarde de comprendre que c'est une tapisserie fondée sur les cinq sens.

Traditionnellement on répertorie les tapisseries représentant :

Le goût

Illustration 7: Le goût, exposée au Musée de Clunydimensions : environ 3,75 m par 4,6 mrt. ​

Panorama de l'art. http://www.panoramadelart.com/sites/default/files/styles/moyen/public/dame-a-la-licorne-b_0.jpg?itok=fwQuEJQX

Une clôture de bois couverte de rosiers grimpants ferme l’organisation générale de la tapisserie tandis que l'oiseau est nourri par la Dame.

L'odorat

 

Illustration 8: L'odorat exposée au musée de Cluny Dimensions: environ 3,6m par 3,2m

 
Panorama de l'art. http://www.panoramadelart.com/sites/default/files/styles/moyen/public/dame-a-la-licorne-e.jpg?itok=hmh-l9Sm

Le singe, qui respire un œillet dérobé, permet de dévoiler que le sens mis en avant est l'odorat.

 

Le toucher

 

Illustration 9: Le toucher exposé au musée de Cluny Dimensions:environ environ 3,7 m par 3,55m

  1. Panorama de l'art.

    http://www.panoramadelart.com/sites/default/files/styles/moyen/public/dame-a-la-licorne-f.jpg?itok=RpSaDlFr


  1. Ici le geste de la Dame qui tient la Licorne par sa corne renvoie à la symbolique de la pureté virginale de l'animal.

La vue

 

Illustration 10: La vue exposée au musée de Cluny Dimensions: 3,12m par 3,30m

Panorama de l'art. http://www.panoramadelart.com/sites/default/files/styles/moyen/public/dame-a-la-licorne-d.jpg?itok=IiKesRDx

Le jeu avec un miroir (accessoire luxueux au XV ème siècle) dénote le sens de la vue.

L'ouïe

Illustration 11: L’ouïe exposée au Musée de Cluny Dimensions:3,6 m par 3,6 m environ

Panorama de l'art. http://www.panoramadelart.com/sites/default/files/styles/moyen/public/dame-a-la-licorne-c_0.jpg?itok=1WaRSrNa
Un petit orgue portatif représente l'ouïe.
 
 

Dans chacune de ces tapisseries, on remarque combien l'espace est occupé voire saturé par le semi-fleuri : si sur certaines on observe un espace pouvant renvoyer à l'idée d'un «îlot» sur lequel les personnages se tiennent, l'arrière-plan rouge orangé renvoie à un espace abstrait sans profondeur (sans perspective) sur lequel les fleurs «flottent» ; c'est un système de représentation qui mêle donc une forme de réalisme dans la précision qui permet d'identifier les fleurs et un symbolisme omniprésent et absolu.

 

Bibliographie:

- La nature et ses symboles, de Lucia Impelluso, éditions Hazan, Paris 2004

- Le potager du Moyen-Age , aux éditions Autres Temps, de Josy Marty-Dufaut, 2006

- Les Jardins Michel Baridon, Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris 1998

  • Sitographie(pour les images):

- wikipédia 

- medieval.mrugala.net 

- Site du musée de Cluny

- panorama de l'art

Actions sur le document

Outils personnels