Les Jardins des Simples
La fonction médicinale est remplie par les « simples ». Adopté au Moyen-Age, le terme simples désigne les herbes médicinales. Le rôle de médecin était souvent attribué aux moines. Ces simples sont des plantes qui ont des indications présumées thérapeutiques. Les plantes sont administrées en fonction de leur forme et de leur couleur selon la théorie des signatures. La théorie des signatures trouve ses origines chez le médecin grec Dioscoride (Ier siècle av. J.C.) : les plantes liées à la théorie des signatures ne soignent pas une maladie en particulier mais sont choisies sur leurs aspects extérieurs (forme et couleur). L'exemple le plus caractéristique en est celui de la mandragore dont la forme évoque celle d'un corps humain, ce qui la prédispose à toutes sortes d'applications.
Dioscoride est un des premiers à véhiculer cette idée, au Ier siècle av. J.C. Il décrit notamment les effets de la pulmonaire dans le traitement des affections respiratoires, qu'il relie à l'aspect des feuilles, évoquant les alvéoles des poumons. Il pose que le nom pulmonaire a un rapport direct avec son utilisation et son apparence.
Le jardin des simples est l'une des quatre parties traditionnellement attribuées au jardin médiéval : quelles étaient ces plantes ? Comment étaient-elles disposées dans le jardin ?
I) Les Simples : leurs caractéristiques et leurs fonctions
La cataire
Il y a quatre types de simples qui sont tous choisis en fonction de la théorie des signatures.
Certaines plantes sont dans plusieurs catégories du fait de leurs nombreuses propriétés médicinales.
1. Les « panacées » soulagent de multiples maladies en tout genre :
- La Cataire soulage les piqûres de scorpion.
- L'Aristoloche est utilisée contre les ulcères et la gangrène. On distingue trois espèces d'aristoloches : la longue, la ronde et la clématite. Les trois espèces soignent les mêmes maladies mais doivent se préparer différemment. Certaines ont d'autres particularités, l'Aristoloche ronde tue les poissons ce qui la fait appeler au Moyen-Age poison de la terre.
- La Cynoglosse a des vertus assoupissantes et stoppe les hémorragies.
- La Scille est utilisée pour les problèmes pulmonaires. Comme les jacinthes et les camassias, les Scilles sont parmi les fleurs à bulbes les plus faciles à cultiver. Il existe de nombreuse sorte de scilles.
- Le Dompte-venin : contre les morsures des animaux venimeux.
Ce sont les seules panacées qui eussent un réel impact positif sur les maladies et blessures.
2. Les « maux de ventres » sont utilisés pour les douleurs au ventre :
Un plan de balsamite
- La Balsamite est une plante qui a des propriétés digestives et vermifuges, elle peut aussi soulager les coups de soleil.
- L'Aurone était utilisée pour ses vertus diurétiques et vermifuges, et aussi pour la plupart des douleurs gastriques. Si elle n'est pas bouillie avant d’être préparée elle est toxique. Elle est généralement utilisée avec du coing et de la mie de pain.
La tanaise
- La Tanaise avec son feuillage finement découpé et ses fleurs jaunes qui apparaissent en juillet était sensée soigner les douleurs gastriques mais est en réalité une plante toxique et hallucinogène.
- La Fumeterre était utilisée pour la cure dépurative, il fallait l’utiliser lorsqu'un individu prenait un produit en excès. Le nom de cette plante est dû au fait que son jus fait pleurer, comme la fumée.
La plupart de ces plantes ont les mêmes propriétés, soit elles soignent les douleurs gastriques, soit elles sont toxiques.
3. Les « purges » sont utilisées si l’équilibre de la santé est brisé. Cet équilibre est constitué, selon la théorie reprise de l'Antiquité, de quatre humeurs : le sang, la lymphe, la bile jaune et la bile noire.
- L’Asaret provoque les urines, facilite l'écoulement périodique chez les femmes et remédie aux affections du foie. Cette plante était utilisée sur certains critères bien précis, comme l''âge et la force du malade, l'époque de l’année et les intempéries.
- Le Ricin était utilisé comme laxatif. Cette plante n'était utilisée qu'à certaines périodes de l'année du fait de sa rareté. Préparé avec du vin, on en broyait les feuilles pour les ingurgiter.
- L’Épurge est une plante toxique qui a pour propriété de brûler l’œsophage et de provoquer des vomissements. Cette plante n'avait pas de réelle utilité à part des propriétés blessantes. C’est une plante de culture vraiment facile car elle est cultivable même dans un sol sableux. C'est une plante à l'aspect rébarbatif du fait de ses épines pointues auxquelles elle doit sa mauvaise réputation.
4. Les « herbes des fièvres » sont utilisées lorsqu'un patient a de la fièvre car au Moyen-Age la fièvre n'est pas considérée comme un symptôme mais plutôt comme une maladie à part entière.
- L’Aunée est une plante qui a de multiples usages, le plus connu étant d’atténuer la fièvre. C'est une plante qui préfère les lieux humides. Elle peut atteindre, dans ses meilleurs moments, trois mètres de haut, quoiqu'elle se contente généralement du mètre.
- La Germandrée Petit Chêne est une plante qui a pour usage de soigner les panaris et d’atténuer la fièvre. Elle était aussi utilisée pour l’expulsion du fœtus mort dans le sein de sa mère. Lorsque l'on s'en frotte le corps, on a une sensation de chaleur.
- La Piloselle est une plante cicatrisante, astringente et diurétique que l'on peut utiliser comme antibiotique. La Piloselle doit son nom « d'oreille-de-souris » à ses feuilles recouvertes de nombreux poils blancs. La Piloselle a donné lieu à des études chimiques approfondies car elle contient des flavonoïdes qui favorisent l'élimination rénale de l'eau.
- La Filipendule atténue les problèmes rénaux, les maux de gorges et atténue la fièvre. Cette plante produit de grandes fleurs violettes qui peuvent aussi servir à la décoration. Il y a au moins dix espèces de filipendules qui peuvent pousser dans des climats différents.
Les indications de toutes ces plantes traduisent en contrepoint un paysage sanitaire particulier où les problèmes digestifs tiennent une place importante, sans doute liés aux difficultés de conservation des aliments.
Par ailleurs, lors des grandes épidémies notamment de peste ou de choléra, très fréquentes au Moyen-Age, peu de remèdes étaient utiles : on en restait essentiellement aux fumigations.
II) Un Cas particulier : la Thériaque face à la peste.
Prier les saints étaient l'une des seules solutions contre la peste, notamment saint Roch et saint Sébastien qui étaient des saints anti pesteux (saint invoqués en cas d’épidémie de peste). L'organisation de processions était aussi pratiquée, elles avaient pour but de brûler les hérétiques et les lépreux qui était accusés de propager la maladie. La purge et la saignée, en aggravant la diarrhée et l'état de faiblesse, permettaient peut-être d'abréger les souffrances des patients... L'usage d'antidotes, ou alexipharmaques, dont les bézoards, les sécrétions animales (sang de vipère et bave de crapaud) était habituel.
Thériaque : Illustration du Tacuinum sanitatis
Mais au-delà de ces quelques remèdes, il y a une potion sophistiquée qui a pour base une simple : la thériaque. Le nom de la plante a donné son nom au remède. Cette potion, qui à l'origine était utilisée comme contre-poison, a rapidement été remarquée pour sa teneur en opium qui devait diminuer légèrement la diarrhée cholérique et les douleurs liées à la peste. Sa préparation nécessitait plus d'un an et demi (car elle devait fermenter) et faisait appel à plus de soixante-quatre ingrédients végétaux, minéraux et animaux des plus variés. Au départ, selon la légende, ramenée à Rome par Pompée, la recette a été enrichie au fils des années par Andromaque, le médecin de Néron.
La thériaque était un électuaire, c’est-à-dire une pâte de consistance un peu plus solide que le miel, assez molle quand elle était récente, assez ferme lorsqu’elle avait vieilli (souvent de plusieurs années). Les préparations dont les agencements étaient jalousement gardés, variaient d'un lieu à un autre : celles de Venise et de Montpellier étaient très réputées.
La thériaque, préparée et conservée par les apothicaires, était contrôlée par les médecins qui en vérifiaient la composition afin d'éviter les contrefaçons ou l'incorporation de simples séchées falsifiées (les« drogues », du hollandais drog signifiant chose sechée). Par ailleurs, des dates de fabrication et de péremption étaient apposées sur les récipients et contrôlées.
III) L'organisation du jardin des simples.
L'herbularius idéal de l'abbaye de Saint-Gall vers 820, Sankt Gallen Stiftsbibliothek
Partie du jardin médiéval, le jardin des simples s'étendait la plupart du temps dans un espace réservé, hautement surveillé et organisé pour que l'accès aux plantes soit aisé.
Dans le jardin des simples, seules les plantes considérées comme les plus rares étaient cultivées, pour le reste les moines allaient les chercher dans la nature.
Le jardin est très structuré : il est formé de banquettes surélevées, rectangulaires ou carrées, alignées, où l'on fait pousser un type de plante par banquette. Il est symétrique et doit représenter la perfection comme beaucoup de jardins au Moyen-Age.
Les banquettes sont délimitées par des palissades de bois appelées plessis.
Exemple de plessis
Les plessis était installés autour de chaque plantation. On disposait de la paille en dessous de chaque banquette pour éviter les mauvaises herbes et surélever les plantes. Cette technique est caractéristique du Moyen-Age pour les petites cultures.
Jardin des simples : Cathédrale de Cahors
Le jardin des simples côtoie le potager, le jardin d'ornement (pour la prière), le jardin des plantes tinctoriales et le verger.
Ce ne sera que plus tard qu'un autre type de jardin de simples apparaîtra : le jardin naturel. Un jardin «naturel» privilégie les courbes des sentiers et joue avec les associations de plantes hautes, ornementales et couvre-sol.
Sitographie :
http://www.gerbeaud.com/jardin/fiches/creer-un-jardin-de-simples,1516.html
http://arrosoirs-secateurs.com/Le-jardin-medieval-se-soigner-par
http://www.chateauvillandry.fr/project/le-jardin-des-simples/
Bibliographie :
Les Propriétés médicinales des Plantes, textes de IIIè, IVè et XIè siècles éditions Paleo, La Bibliothèque de l'Antiquité, 2007
La Pharmacie des Moines, éditions Paleo, Histoire des sciences, accès direct, 2011
Artikelaktionen