Les ornements du jardin médiéval
Les ornements du jardin médiéval
La structure du jardin médiéval s'inspire du premier des jardins, le Jardin d'Eden dans lequel se trouvaient Adam et Eve (Genèse 2,8 à 15 Bible de Jérusalem : structure marquée par les quatre fleuves).
Originellement lieu de plaisir dans l’immanence de la contemplation divine, il ne peut se reconquérir que par le travail après qu'Adam et Eve eurent été expulsés et condamnés à gagner leur pain “à la sueur de leur front”. Le jardin médiéval est donc marqué par une dualité : ayant pour but d'être un lieu d'agrément, sa composition doit permettre de faire oublier le travail qui s'y déroule, afin qu'il rappelle le paradis perdu. Les ornements doivent permettre un confort à la fois visuel et pratique.
Le rappel de ses origines se dénote tout d'abord par sa clôture : non mentionnée dans le texte biblique, sa présence surgit lors de la Chute à l'évocation de sa porte gardée par un ange (Genèse 3,24 Bible de Jérusalem : « Il bannit l'homme et Il posta devant le jardin d'Eden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l'arbre de vie »).
Par ailleurs, la longueur de la période médiévale et ses soubresauts historiques (notamment le contexte de conflits et d'invasions) ne permettent pas de déterminer un modèle unique de jardin médiéval ; nous nous concentrerons sur les informations suggérées par les illustrations du XIIIème siècle à l'aube du XIVème siècle pour rendre compte de l'organisation de ce jardin.
Enfin, il conviendra de distinguer selon les classifications même de Pierre de Crescens les "jardins princiers" des autres : ils marqueront la transition du jardin au parc, espace qui prendra son essor à la Renaissance.
I)-Une clôture symbolique
Il s’agit de la première des caractéristiques du jardin médiéval : fonctionnelle puisqu’il s’agit de protéger l’espace de toutes sortes d’invasions (militaires, divagations du bétail ou incursions des animaux sauvages), la clôture est aussi hautement symbolique.
A l’intérieur même du monastère, où se sont repliées les premières expériences médiévales dans l'art horticole, elle délimite un espace fermé, qui reprend l'évocation biblique mais se conforme aussi aux caractéristiques du jardin antique tel que décrit par exemple au chant VII de l'Odyssée (jardin d'Alcinoos). Un jardin est donc à l'époque médiévale clos.
Cette clôture sert aussi à repousser les vilains et les gueux du jardin, et a donc un rôle social : seules les demeures seigneuriales deviennent le deuxième espace pour le développement du jardin.
La clôture s'inspirant du jardin d'Eden représentera la limite entre la terre et le royaume de Dieu, symbolisant ainsi la distance entre le sauvage et le civilisé, entre le monde extérieur et le foyer. Les moines donnent un sens spirituel à leurs jardins : la clôture marque l'isolement face au monde, l'abri contre les tentations et le jardin rappelle donc le jardin d'Éden. Le jardin est fermé par un cloître constitué de quatre murailles représentant le mépris de soi-même, le mépris du monde, l'amour de son prochain et l'amour de Dieu. Le cloître est donc la concrétisation de la vie monastique, c'est-à-dire la marque de la volonté de se retirer du monde pour s'enfermer dans une vie sainte régie par la règle.
Au XII ème siècle, lorsque se développe la littérature courtoise, le jardin va devenir une sorte de métaphore de la Dame : il est clos, farouchement gardé par le mari jaloux, comme l'ange avec une épée de feu devant le jardin d'Éden, et y pénétrer signifie alors posséder la Dame. Dans une illustration du Roman de La Rose, on peut voir la Dame faire entrer son compagnon dans son jardin fermé à clef, afin de pouvoir prendre du plaisir avec elle au cours de conversations ou en faisant de la musique comme les autres couples présents...
La symbolique se retrouvera dans les matériaux choisis pour réaliser la clôture : haie vive, haie sèche ou mur.
La haie vive est la plus fréquente dans le monde rural, et est constituée d'arbres forestiers ou fruitiers, et de végétaux vivaces comme des arbustes ou des plantes buissonnantes. Elle sert de porte-greffe et fournit du petit bois utile pour le chauffage et la cuisson.
La haie sèche est constituée de branches coupées et entrelacées autour de piquets ou d'échalas espacés. Les épines noires et blanches se révèlent précieuses car leurs branches coupées restent bien solides. Elle est plus ou moins élégante ou rustique selon la position sociale du propriétaire.
Le mur est fait de plâtre et de pierres. Sa constitution dépend des matériaux disponibles localement ainsi que du niveau d'aisance du propriétaire. Plus qu'une haie, il est signe de puissance sociale car il est plus onéreux à édifier et apporte en premier lieu moins à l'économie domestique, mais il peut servir de support d'espaliers et il peut mieux couper le vent. En retenant la chaleur du soleil et en faisant obstacle au vent, le mur crée un abri profitable aux cultures.
A mesure que la période se stabilise (règne des Carolingiens), le jardin voit son intérêt s'étendre au monde paysan : les cultures étant libres dans le jardin, et échappant à l'impôt de la dîme, la clôture renforce le sentiment de propriété lié au jardin, qui se développe dans la notion de mesnie : habitation, cour et jardin attenant.
Un jardin modeste ne comporte pas vraiment d'espaces de loisir, sa surface est variable, selon la richesse du paysan. Mais surtout le jardin s'agrandit alors de la nature environnante où la cueillette des herbes sauvages est possible, cueillette indispensable pour compenser les alea météorologiques : lorsqu'une salade ou une herbe à porée n'arrive pas à pousser dans le jardin, on trouve toujours en remplacement de l'ache, du plantain ou du pissenlit.
Il est de forme carrée et constitué d'arbres et de plantes : les arbres ne doivent pas être trop touffus et pas trop nombreux afin que l'on ne manque pas d'air. On y plante des herbes médicinales, diverses et de fine odeur, et s'il est assez grand, des herbes aromatiques.
Ce jardin jouera alors un rôle capital dans l'économie vivrière du monde paysan et se confirmera dans les siècles suivants.
II)-L'organisation du jardin médiéval
a) La disposition spatiale
Le carré sert de plan de base à la réalisation des jardins car le chiffre quatre rappelle les quatre fleuves du jardin d'Éden : le Tigre, l'Euphrate, le Gîhôn et le Pishôn ... Le jardin médiéval est ainsi constitué autour de quatre allées formant une croix, notamment dans l'espace délimité par le cloître.
Sur le modèle du plan idéal du monastère de Saint Gall, figure un jardin potager, situé à côté des cuisines. Il comportait neuf carrés, neuf comme trois fois trois. Le nombre de carrés se référait à la symbolique chrétienne, neuf étant un multiple du chiffre trois représentant la Sainte Trinité. Ces carrés étaient parfois réunis autour d'un puits ou d'une fontaine et on retrouvait le symbole de la croix formé par deux allées principales.
b) Les différents ornements du jardin :
1. Les fontaines
Le centre des jardins est le plus souvent occupé par une fontaine ou un bassin de forme octogonale. L'eau était un élément essentiel du jardin de plaisance pour le son et la fraîcheur ainsi que pour la symbolique de la fontaine de jouvence qui s'y rattache. D'un petit bassin carré sort un canal protégé par des bordures ; un anneau scellé dans la pierre de la fontaine retient, au bout d’une chaîne, une louche de métal pour puiser l’eau. Elle est un élément de luxe du jardin : en pierre ou dinanderie, les fontaines sont petites, précieuses, plus proches du mobilier que de l’architecture, parfois ornées de sculptures de têtes de lion ou autres animaux, ou de personnages.
2. Les berceaux de verdure
Les berceaux de verdure forment souvent les seuls éléments architecturés des jardins : ils procurent ombre et fraîcheur, associés au plaisir du parfum des plantes grimpantes que l’on y attache : vigne, roses, chèvrefeuille, houblon…; la fabrication de la structure, en branchages ou en osier, se fait en hiver. Au cours des siècles, le berceau va s’amplifier et devenir lieu de déambulation, de promenade ; on voit alors apparaître la notion d’allée couverte.
3. Les plessis
Les plessis délimitent les espaces au sein du jardin : le « préau », endroit où l’on demeure assis, ou les carrés plantés. L'usage des plessis se développe à la fin du Moyen Age, pour devenir une constante à la Renaissance ; les plus anciens semblent avoir surtout servi à protéger les plantes fragiles : ils sont réalisés en branchages tressés, vifs ou morts, selon une technique qui ne varie guère, et que l’on trouve d’ailleurs encore aujourd’hui dans les campagnes. Le préau est également délimité par des banquettes de gazon, des structures de bois ou de pierres dans lesquelles on trouve du gazon ou des fleurs, qui sont adossées contre les murs et sur lesquelles on peut s'asseoir.
III)-Les jardins modestes et princiers.
Considéré comme un des premiers agronomes, Pierre de Crescens entreprend au tout début du XIVème siècle la rédaction d'un ouvrage en douze livres sur L'Agriculture pratiquée par les Anciens et délaissée par les Modernes ; le huitème de ces livres est entièrement consacré aux jardins. L'auteur commence son propos en distinguant trois types de jardins selon l'espace qui lui est dévolu, en fonction aussi de la richesse et des moyens du propriétaire.
- le " jardin aux petites herbes " est calqué sur le jardin monastique et se concentre sur les herbes aromatiques.
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le jardin "pour classes moyennes" (le pomarium) ressemble à un pré enclos, planté d'arbres fruitiers et parfois orné d'éléments architecturés.
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Le jardin seigneurial ou princier est un vaste domaine de villégiature, ceint de hauts murs, orné de pièces d'eau et de nombreux éléments architecturés parfois éphémères. Il est construit sur un endroit plat, non marécageux, ouvert au souffle des bons vents. Il fait au moins 20 journaux, unité exprimant la surface labourée par un homme en une journée. On y met de grandes cages à oiseaux, et de grandes rangées d'arbres allant jusqu'au bois.
Un des exemples les plus prestigieux de jardin princier médiéval est celui de Hesdin créé par Robert II d'Artois à la fin du XIIIe siècle : il combinait les agréments du parc et du jardin, et dans lequel on pouvait trouver un paradis et un vivier destinés au comte et à sa famille ; au nord, s'étendait un parc destiné à la chasse, dans lequel il y avait un pavillon de plaisance au bord de la rivière pour accueillir des assemblées qui pouvaient se disperser sur les pelouses avoisinantes. Des automates installés par Robert II d'Artois dans les jardins de Hesdin auraient été imités de ceux qu'il avait vus en Sicile.
Sitographie/Bibliographie :
http://utpictura18.univ-montp3.fr/GenerateurNotice.php?numnotice=A6176
http://secretsdejardins.e-monsite.com/pages/jardins/jardins-medievaux-1ere-partie.html
https://academiedecherbourg.wordpress.com/2010/06/16/que-sait-on-du-jardin-medieval/
http://www.lesamisduvieuxlaval.fr/wb/media/JARDIN%20MEDIEVAL%20cahors_2013.pdf
http://fr.slideshare.net/jpflahaut/le-jardin-mdival-de-saintantoine-labbayedossier-de-presse-bat-v2
http://arrosoirs-secateurs.com/Historique-architecture-et
http://lessecretsdarduinna.blogs.lalibre.be/jardin-medieval/
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http://www.oldcook.com/medieval-jardin
Histoire du jardin potager, Florent Quellier (Armand Colin – 2012)
Tous les jardins du monde, Gabrielle Van Zuylen (Art De Vivre, 1994)
Les jardins – Paysagiste – Jardiniers – Poètes, Michel Baridon (BOUQUINS, 1998)
Image :
Image Le roman de la rose : Roman de la Rose, Guillaume de lorrise Jean de la Meun, 1457
Image Haie séche : http://plessage.overblog.com/page/3
Image Carré : Enluminure Hortus Conclusus
Image Fontaine : Hortus Conclusus du Château de la Motte d'Usseau (Viennes) http://www.chateau-de-la-motte.net/news/21/81/The-weather-is-warm-and-sunny-at-last.html
Image Cloître : Cloître de Ripolli http://architecture.relig.free.fr/cister_plan.htm
Image Hesdin : http://www.la-vie-du-jardin.com/medieval/profan.php
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